(article paru in Mad Movies 194 - Février 2007)
Le bide commercial et critique de la console de Microsoft au Japon s''avère être, jour après jour, une réalité plus concrète. Certes la machine ne manque pas d''atouts, mais malgré son prix très abordable sur l''archipel, le public japonais s''évertue à la bouder, nonobstant la présence de titres spécifiques à même d''attirer les otakus (Blue Dragon, chara-designé par Akira Toriyama, est le dernier exemple en date). Protectionnisme inopportun ou désintérêt ludique de la bête, les joueurs nippons, et de ce fait, les éditeurs, désertent en masse. Pourtant, s''il est une société qui ne s'en laisse pas compter, c''est bien Capcom. Non pas qu''ils se réclament le porte-étendart oriental de Bill Gates, mais en fin connaisseur des marchés occidentaux (et des chiffres de ventes), Capcom rivalise d''opiniâtreté afin de s''imposer comme un éditeur majeur sur la 360.
Ainsi, après la mise en bouche du gorasse et million seller Dead Rising, sympathique beat them' all à l''ancienne qui se hissa rapidement en tête des charts, Capcom récidive dans le gameplay oldschool avec Lost Planet, dans lequel on retrouve typiquement la quintessence des sensations oubliées de nos bonnes vieilles salles d'arcade. Car avant toute chose, Lost Planet fait plaisir aux mirettes, et l''on éprouve un certain décalage grisant avec le reste du tout-venant sur 360, comme quand on lachait sa Super Nintendo pour aller jouer au « vrai » Street Fighter 2 dans le tripot enfumé du coin. Un titre comme Gears of War, ultime référence technique en la matière, apparaît pourtant bien fade quand on l''oppose à la direction artistique choisie par Capcom dans Lost Planet. Y jouer, c'est donc succomber au dépaysement récréatif, et ce dès l''introduction du jeu où l''on est happé dans un maelstrom d''intensité visuelle et auditive assez inouï.
Du background, on retiendra qu''on incarne Wayne, recrue fraichement débarquée sur la planète E.D.N III, désert polaire intégralement recouvert de glace, où la neige ne cesse jamais de tomber. Pris entre deux feux en plein coeur d''un combat fraticide, Wayne rejoindra une de ces factions humaines qui s''opposent de concert à la faune locale. On éludera le classique déroulement narratif via des cinématiques qui tendent vers le Z, d''ailleurs habilement maquillées par les artistes de Capcom. Le reste, à vrai dire, on s''en tape, on est pas venu pour disserter sur le sens de la vie. Fort heureusement, le bestiaire de Lost Planet ne manque pas de gibiers, et la tension éprouvée lors des affrontements est renforcée par les choix référentiels des développeurs. Sont cités en vrac Starship Troopers, Dune ou encore The Thing, point d'orgue qui vient titiller la fibre cinéphile du gamer.
Lost Planet est un jeu sous constante pression, et le moteur principal de son gameplay pousse régulièrement le joueur à se dépecher de traverser les niveaux, car la barre de vitalité, baptisée ici thermo-énergie, baisse irrémédiablement en raison du froid polaire. Une sorte de boost naturel qui fait progresser d''arrache-pied, sans que cela ne nous empêche de profiter du level design aux petits oignons et des effets de lumières chiadés, rehaussant encore la gueule du jeu. L''autre bonne idée de gameplay est la présence d''armures mécaniques, les Virtual Suit, où à la manière de Ripley dans Aliens, le joueur est invité à prendre possession de ces carcasses afin d''aller tester ses chances de survie quand vient le temps de la confrontation avec les boss, monstres de charisme et de fureur.
Là où Capcom fait fort comme à son habitude, c''est dans le confort de jeu, car la prise en main est immédiate et Wayne répond au doigt et à l''oeil. Il est purement jouissif d''éviter une roquette grâce à une habile galipette qui se termine en échange de coups de feu, le tout arrosé d''une grenade, dans un élan effectué avec un naturel déconcertant. Et c''est encore meilleur quand on ne le fait pas exprès ! Lost Planet est donc une oeuvre exigeante, et représente le dernier spécimen du jeu d'arcade pur et dur, dissimulé sous une grosse couche d''apparat next-gen. Conséquence directe de cet état de fait, son plus gros défaut est sa durée de vie trop courte. Mais le paroxysme ludique est à ce prix.